L'écureuil
C’est un point d’interrogation,
Un accent circonflexe,
Une boule,
Une flèche,
Un panache dans le vent,
Une plume,
Une fourrure,
Une lumière,
Un souffle,
Une flamme,
Un boulet de canon,
Une apparition, aussitôt disparue...
Un mouvement imperceptible,
Un geste discret,
Un frémissement dans le feuillage,
Un oiseau ou presque,
Un éclair...
Roux, fauve, marron, noir, brillant, luisant...
Juché dans l’arbre, accroché à l’écorce, surpris dans sa fuite.
J’ai juste le temps d’entrevoir les oreilles pointues,
les deux yeux en amandes, et la fine tête de souris.
Il court, vif, craintif, leste.
Il bondit, saute, file, fuse, s’enfuit.
Il flotte dans le vent, léger...
Vigilant, attentif, aux aguets,
Occupé à engranger pour l’hiver, il s’active sans le moindre répits,
dans des allées venues incessantes.
Laborieux, industrieux,
Tel une fourmi, les petites pattes griffues en action, il stocke, cache, enfoui ses réserves : fruits, graines, noisettes, faines...
Il dévalise les noisetiers à une allure surprenante.
Il remplit les troncs, les fentes des arbres, Il dissimule ses trésors sous la neige,
Tel Harpagon...
Chaque automne, dans notre chemin, entre talus et ruisseau...l’écureuil réapparaît...
...et avec lui les souvenirs d’enfance d’André.
Je retrouve au fond de ses poches des noisettes ramassées et stockées, justes pour le plaisir enfantin de la cueillette, car jamais il ne les mange... !
L'Ubaye
Pour moi, l’Ubaye est un caprice, sage, tumultueuse, violente, autoritaire, coléreuse, meurtrière, elle n’en fait qu’à sa tête, n’écoute personne, changeant d’humeur, attirant tous les regards, semant la peur, réveillant les mémoires... Souviens-toi en 1957*, rien ne peut la dompter.
Elle se moque des arbres qui bordent ses rives, elle les avale comme des allumettes, ronge les rives, gloutonne de terre et de talus, déborde les digues, et tout est à refaire.
Comme une star elle attire tous les regards, c’est un calme et timide filet d’eau au mois de mars, presque recroquevillée sur elle même, il faut tendre l’oreille si l’on veut s’assurer qu’elle est toujours là, dans son lit de galets.
On la retrouve debout, sourcils froncés, noire de violence et de colère à la fonte des neiges, elle déplace les Préfets, Maires, et autres RTM, chargés de lui faire entendre raison. On la borde, on l’ausculte, on discute, on fait des pronostics...
Peu importe les décisions de tous ces respectables officiels, causez messieurs, je passe où je veux !
Puis quand les gyrophares s’éteignent, la voilà caressée et flattée par les canoës et autres embarcations, mais là encore, c’est elle qui décide : ce passage est difficile, celui là sera toujours infranchissable, inviolable, malheur à celui qui désobéit, il y laissera la vie.
Fatiguée par tant de colère, et d’énergie déployées, peu à peu elle se calme et son hurlement se fait murmure, et la voilà charmeuse ... oubliée la mauvaise humeur : Elle nous trompe, nous rassure, nous endort, nous rend incrédule.
Qu’est ce qu’elle est belle, cette Diva infernale, avec ses parures d’émeraudes et de turquoises... qu’elle est douce dans son écrin de mousse, d’osier souple, et de feuillage d’automne flamboyant, rien n’est trop beau pour elle.
Elle s’endormira en beauté, mais exigera d’être parée d’hermine pour passer l’hiver.
Ainsi, nous n’aurons cessé de la regarder et, nous aurons hâte d’arriver au printemps pour la voir de nouveau exulter.
1957 : date d’inondations mémorables dans la vallée de l’Ubaye.
La confiture de rhubarbe
J'ai choisi de vous parler de la fabrication de la confiture de rhubarbe, parce que entre le moment où elle fleurit sur le plan, et le moment où vous la retrouvez sur l’étagère de la Maison des Produits de Pays... Il s’en passe des choses !!!
D’abord, il faut de l’organisation, oui ! il faut être organisé, cela n’a rien d’évident de faire de la confiture de rhubarbe, car c’est très long.
Il faut prévoir de la couper, séparer tiges et feuilles, nettoyer le jardin...
Après, il faut prévoir une nuit entre l’épluchage (car il faut éplucher chaque tige, tout couper en petits morceaux), et la macération afin de faire ressortir le jus du fruit, « le jus de la macération », c’est là que se trouve le secret de la fabrication.
Ah !...si vous saviez le nombre d’années que j’ai mis à comprendre ce « secret » !!!
Pendant des années, je faisais tout cuire ensemble : le jus et le fruit, cela restait toujours liquide et la confiture devenait rouge : Oh ! la honte, de la confiture de rhubarbe rouge....
Car là naît le verdict : confiture rouge... confiture ratée... !
Le jour où vous avez compris qu’il faut séparer jus et fruit tout devient clair et vous pouvez vous laisser aller à contempler le léger clapotis des bulles vertes, floc, floc, floc, floc, comme c’est rassurant ce clapotis, et cette couleur verte.
Petit à petit, naît l’odeur, sucrée, vanillée, caramélisée, l’odeur de cuisine, l’odeur de l’enfance, l’odeur des racines, l’odeur d’une maison qui vit au rythme du chuchotement de la soupe, du gratin coloré dans le four, ou du gâteau qui finit de cuire, et qui monte, qui monte...
Les odeurs de cuisine, c’est une maison qui vit, qui est habitée, qui est joyeuse, qui est envahie par la vitalité de ses habitants.
Une odeur, cela réchauffe, donne faim...
Mais, pour en revenir à la rhubarbe, essayez, laissez vous aller dans cette mer verte, perforée de cratères qui sont autant de cuillerées de bonne humeur.
Cette confiture emprisonnez là dans des bocaux, pour mieux la garder, et prolonger le bonheur de l’été, et puis, faites comme notre bon Charles Trénet, avec la chanson « les noix » :
« TU L’OUVRES , ET TU LA MANGES
ET, TU N’Y PENSES PLUS ... »
voulant dire, ces recettes de grand mère, gardées comme des secrets d’état, il ne faut pas, tout de même, en faire une maladie...