J'ai marché sur la lune
C’est un immense pan de montagne qui est ravagé, blessé, écroulé, du sommet de la falaise, au ravin...
Montagne ravinée, mutilée...
Lardée en son flanc de mille flèches acérées, projectiles de bois, de pierres, de racines, de rochers. Tous destructeurs, impitoyables hallebardes qui achèvent de défigurer la montagne.
De temps en temps, un éboulement caillouteux rappelle à la montagne qu’elle a perdu, capitulé.
Plus jamais, elle ne se relèvera de cet effondrement. Face à un combat qu’elle n’a d’ailleurs jamais voulu entreprendre, elle est vaincue pour toujours.
Plus rien de réel, de rationnel, ou d’humain, devant ce désert chaotique.
Ca et là, un arbre encore debout, souvent décapité, témoigne, dernier vestige, d’une vie forestière antérieure : un arbre arrogant, ose à la cime, tout près du précipice, s’entêter à nous dominer, droit, fier, combatif, encore vivant.
Des pans entiers de la montagne, herbeux ou schisteux, s’entremêlent, s’enchevêtrent, s’entrecoupent, comme un château de cartes écroulé.
Cratères et monticules s’entrecroisent dans un chaos catastrophique, apocalyptique.
Tout ce spectacle est rendu encore plus désolant et oppressant par le silence qui enveloppe cette nature de fin du monde.
Rien ne bouge !
Rien ne rit !
Rien ne parle !
Rien ne souffle !!!
Et, dans ce silence, toute la souffrance de la montagne mutilée surgit, crie comme si son désespoir sortait du cratère, pour nous sauter au visage... !
L’homme a bien essayé de sonder cette nature, de comprendre le phénomène.
Il a, en technicien, placé drains et témoins ; mais Dame Nature, dans ses soubresauts convulsifs, violents ou invisibles, recouvre à chaque fois ces repères aléatoires.
La nature nous rappelle, qu’elle est la plus forte.
Ici encore, elle fait ce qu’elle veut.
Décidément,
le « bon sens paysan » n’est plus ce qu’il était.
L’homme, malgré sa course folle vers le progrès et la technique reste le dominé.
Je m’amuse à parcourir les dômes révulsés de cette montagne écartelée.
Et...
Je m’ aperçois qu’une autre nature reprend ses droits, peu à peu.
Sur cette terre blafarde que la sécheresse n’a pas épargnée cette année, sarriette et serpolet renaissent à la vie.
Graminées, églantiers et pins timides les accompagnent.
Un ru cherche à se frayer un chemin.
Le sanglier a labouré le sol de son groin. Plus bas, dans la vallée, le chevreuil aboie. Et dans le ciel, le vol élégant des planeurs est scandé par le sifflement de leurs ailes.
La vie reprend ses droits.
La vie renaît de son désespoir, de sa propre détresse.
Alors, je me suis penchée jusqu'à terre, pour ramasser cette petite fleur jaune que certains confondent avec le pissenlit.
Cette petite fleur « courte sur pattes », à la tige tapissée d’écailles veloutées ; cette fleur, ni fragile, ni jolie, qui arrive en bouquets, juste après la neige, et qui annonce le printemps.
Cette fleur au parfum discret, qui aime l’eau, s’ouvre le matin avec l’arrivée du soleil. Cette fleur qui soulage de la toux, de l’asthme, et qui aide à s’endormir.
Cette fleur, c’est le tussilage.
Remède de grand mère, ou remède miracle, cette fleur était très appréciée de nos anciens.
Je me suis penchée pour la cueillir,
et alors,
dans sa corolle modeste,
le soleil et la vie
m’ont souri..